L’intense débat actuel à propos du clonage met en valeur la sagesse humaine. Pour bien se conduire et atteindre à une certaine vie bonne, la raison de type scientifique, si utile et indispensable dans son ordre, ne saurait suffire. Elle risque même d’être dangereuse lorsqu’au nom d’une idée a priori de la volonté et de la connaissance elle prétend à elle seule guider la conscience humaine. Par exemple, les droits affirmés de la recherche en biologie conduisent certains à un véritable impérialisme faisant fi de toute préoccupation proprement anthropologique. On répudie assez généralement le clonage reproductif, mais c’est pour mieux affirmer la légitimité sans failles du clonage thérapeutique. Comme si l’objectif thérapeutique justifiait toutes les pratiques, y compris celle de l’usage de l’embryon produit au seul bénéfice de l’expérimentation. Au demeurant, le résultat de telles recherches n’est nullement avéré. Le professeur Axel Kahn n’hésite pas à confier son doute quant au succès d’expérimentations qui pour le moment sont purement conjoncturelles.
C’est bien le moment de revenir à la notion antique de Sagesse, qui dans l’histoire peut se réclamer de l’autorité des philosophes et de la Bible.
Nous pensons quant à nous qu’il existe une intime connivence entre la réflexion désintéressée du penseur et la contemplation du théologien qui pense les questions humaines dans la lumière de la Révélation. Il nous arrive parfois de croiser sur notre chemin des hommes qui ont su assumer cet alliage de la raison et de la foi, de la réflexion éthique et de la familiarité avec la vie théologale.
Tel fut pour nous le cas du père Albert Chapelle qui vient de mourir, entouré de la reconnaissance des nombreux prêtres qu’il a formés, de celle de l’archevêque de Paris dont il fut le conseiller très proche.
En plusieurs occasions, ce jésuite de la grande tradition de saint Ignace est venu m’éclairer personnellement sur des sujets cruciaux qui faisaient le cœur de l’actualité et donnaient lieu à une contestation des positions de l’Eglise. A chaque rencontre avec lui, j’avais le sentiment d’avoir écouté un Sage, pétri de bonté profonde, d’une attention soutenue à la détresse humaine, mais en même temps soucieux de respecter dans chacun l’exigence que Dieu avait mise en lui.
Avec le père Albert Chapelle, on comprenait ce qu’était un prêtre, celui qui vous communique la charité du Dieu vivant et vous permet de comprendre à quel bonheur surnaturel l’humble cortège des hommes est appelé.
Gérard LECLERC