Aux évêques de l’Ouest de la France réunis à Rome pour leur visite ad limina, le Pape vient d’adresser un discours sur l’avenir de la vocation au sacerdoce ministériel, dont la portée dépasse le cadre régional. C’est la France et l’ensemble de l’Europe qui sont en effet touchés par une pénurie de prêtres qui met en danger l’avenir de toutes nos communautés chrétiennes. Déjà certains diocèses appréhendent avec anxiété la façon dont ils pourront faire face, alors qu’il n’y a quasiment plus d’ordinations depuis plusieurs années. On sait que cette réalité tragique suscite le plus souvent des projections quelque peu fantasmatiques dont la fonction est de suppléer imaginativement à la figure traditionnelle du prêtre, au risque de perdre un acquis théologique et spirituel qui s’enracine dans l’expérience millénaire de l’Eglise.
Mais c’est rendre un mauvais service que d’entretenir des solutions illusoires, car c’est détourner les esprits des raisons véritables de la crise actuelle. D’où l’importance de ce discours de Jean-Paul II, qui va directement à l’essentiel. En effet, avant toute perspective pratique de renouvellement de la pastorale des vocations, il importe de revenir à la substance du sacerdoce. Celle qu’exposait le père de Lubac, il y a cinquante ans, dans sa Méditation sur l’Eglise – qu’un colloque d’un exceptionnel intérêt vient de célébrer à l’Institut catholique de Lyon. Le grand théologien résumait la mission du prêtre à celle dont le Christ a chargé spécifiquement l’Eglise pour « engendrer et entretenir la vie divine en nous ». Ainsi le rôle sacerdotal est irremplaçable, sa grâce s’apparente à ce que le Christ a reçu de son Père, avec les fonctions de docteur, roi et prêtre. Le Pape ne dit pas autre chose, en recommandant à tous d’approfondir le sens de cette mission.
A partir de là, s’impose un examen sérieux sur la crise actuelle, pour désarmer les raisons qui s’opposent à l’accueil chez les jeunes aujourd’hui d’un appel permanent et urgent. La première tient à un manque de maturité psychologique et affective, qui entrave la disponibilité à un engagement déterminé. En ce sens, la pastorale de la famille et la formation de la jeunesse sont des préalables sans lesquels la crise risque de se prolonger indéfiniment. En second lieu, l’identité sacerdotale peut sembler floue, en raison de l’histoire récente qui a produit de sérieux dégâts. Seule une affirmation forte de sa réalité peut remédier à l’évanouissement des contours même du sacerdoce ministériel. Enfin, l’essentiel n’est-il pas lié au rapport que les jeunes entretiennent « avec le Seigneur lui-même » ? « La connaissance du Christ est souvent superficielle et relative, au milieu de propositions religieuses multiples, alors que le désir d’être prêtre se nourrit essentiellement de l’intimité avec le Seigneur, dans un dialogue vraiment personnel, puisqu’il s’exprime d’abord dans le désir d’être avec lui (cf. Marc 3,14).
Comment ne pas comprendre la ligne de force de cet enseignement, qui nous invite à revenir à la ferveur essentielle, qui s’exprime dans une vitalité sacramentelle, dans la prière et le service du prochain ? Nous n’aurons de prêtres que si nous retrouvons la puissance qui produit toutes choses nouvelles.
Gérard LECLERC
Pour aller plus loin :
- 7 - La vocation sacerdotale
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Dénoncer les abus sectaires dans la vie consacrée et passer l’épreuve en union au Christ Epoux
- VOCATIONS : QUELLE VISION PASTORALE EN FRANCE ?
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010