Tandis que Benoît XVI est reçu en Turquie et que nous espérons de ce voyage éclaircissements, reconnaissance mutuelle et progrès de la cause de la paix, on nous permettra de revenir un instant sur nos problèmes de catholiques français. En effet, nous vivons, depuis quelques mois, un étrange climat. D’un certain point de vue, toutes les tensions anciennes semblent ranimées : les querelles liturgiques des années soixante/soixante-dix sont de retour et les initiatives de réconciliation avec les traditionalistes venues de Rome suscitent des inquiétudes à l’autre bord. Allons-nous nous déchirer une nouvelle fois, renouant avec notre histoire conflictuelle des deux derniers siècles ? Et en même temps, des signes d’espoir apparaissent. La dernière assemblée des évêques à Lourdes a marqué, de l’aveu de ses participants, des avancées intéressantes dans le sens d’une franche explication et d’un approfondissement des analyses et des convictions en faveur de l’évangélisation.
Autre fait notable : on se parle entre catholiques, préférant les discussions directes aux combats de tranchées. La réunion qui s’est tenue à la Mutualité le 20 novembre dernier (et dont nous rendons compte par ailleurs) est à saluer comme un signe avant-coureur de pratiques ouvertes entre les diverses sensibilités. Les différends ne sont nullement éludés et il faudra sûrement travailler d’arrache-pied pour mieux se comprendre et surtout progresser ensemble dans un chemin de vérité et de conversion. Il est important qu’au préalable les murailles tombent, non pas pour éluder les difficultés de fond, faire semblant qu’on est d’accord sur presque tout, mais pour nous considérer autrement que comme des étrangers qui appartiendraient définitivement à des camps qui ne communiquent que pour se signifier un mutuel désaveu.
Il est important de renoncer, à l’intérieur de l’Eglise, à cette mentalité de bastions, contre laquelle s’insurgeait naguère le théologien Urs von Balthasar à propos de l’Eglise elle-même face au monde.
Il ne s’agissait nullement d’abattre les murailles pour disperser sa substance à tout vent et perdre son âme, mais d’acquérir une conviction missionnaire… Il en va de même analogiquement entre chrétiens en Eglise. Ce n’est que par l’explication entre frères que l’on pourra se comprendre, à partir de la perspective de notre
commune Tradition. Nos arguments auront d’autant plus de force et de pertinence qu’ils seront échangés dans l’espace de la foi et de la communion eucharistique. C’est la grâce que nous devons nous souhaiter les uns aux autres.
Gérard LECLERC