A quelques jours de la visite du Pape en Turquie, la question des relations entre chrétiens et musulmans se pose avec insistance. Il n’est pas vrai que Benoît XVI s’oppose à un dialogue direct, même s’il entend que celui-ci respecte avec rigueur les normes théologiques indispensables. Nous ne sommes pas fils d’Abraham au même titre et n’avons pas à faire semblant d’ignorer ce qui nous distingue, à partir de ce signe de contradiction qu’est Jésus-Christ, le Verbe incarné. Pour autant, nous n’avons pas à ériger nos différences irréductibles en causes de guerre, pour alimenter la fascination du choc des civilisations. Tout ce qui contribue à une meilleure compréhension réciproque doit être favorisé, ainsi que le Pape vient encore de le recommander aux évêques allemands. L’Eglise, a-t-il dit, doit “mettre à disposition, dans des régions où la population musulmane est plus nombreuse, des catholiques possédant les connaissances linguistiques et d’histoire des religions nécessaires pour pouvoir dialoguer avec les musulmans.”
Certains d’entre eux tiennent à un rapprochement et font tous les efforts pour le rendre possible, tel l’ancien ministre algérien Mustapha Chérif, qui a été reçu samedi 11 novembre par Benoît XVI, et a voulu donner la plus grande publicité à cette rencontre. Reprenant plusieurs des thèmes abordés dans la conférence de Ratisbonne – la liberté, la violence, la raison – Mustapha Chérif a voulu montrer, en sortant de l’audience, qu’un musulman, loin d’être indifférent à ces enjeux, les reprenait à son compte, en les confrontant à sa propre tradition. Il faut espérer qu’il sera suivi au sein de la communauté musulmane mondiale et que les contacts qui auront lieu, lors de la visite pontificale en Turquie seront propices à un climat plus favorable. Mais il faut ajouter qu’on peut concevoir quelque crainte à cet égard. Les attitudes hostiles ne manquent pas ici ou là, et l’ostracisme dont font l’objet les chrétiens en certains pays de stricte observance, et même dans des pays réputés modérés, montre que la règle de réciprocité est loin de jouer uniformément en terre musulmane.
Dans notre pays, les difficultés de cohabitation sont réelles, ainsi que vient de l’illustrer l’émission de Bernard Duquesne “Complément d’enquête” sur France 2. Déjà les conditions dans lesquelles a été préparée cette enquête provoquent l’interrogation. “Il est impossible de parler librement de l’Islam en France”, expliquent les journalistes. Et lorsqu’ils ont voulu interroger des représentants des 10.000 musulmans convertis en France au christianisme, les intéressés n’ont pas parlé à visage découvert. De graves menaces de représailles planent sur eux. On constate donc que c’est d’abord chez nous qu’il importe de changer les mentalités, pour que le simple échange entre chrétiens et musulmans se fasse en sécurité d’abord, puis en amitié.
Gérard LECLERC