Pourquoi le nier ? Le malaise dans l’Eglise de France est réel. Il s’exprime à longueur de colonne dans la presse catholique, il est répercuté dans la presse généraliste. La décision romaine de créer un institut du Bon Pasteur pour accueillir des prêtres traditionalistes désireux d’une réconciliation, l’annonce d’une décision permettant une extension généralisée du rite tridentin créent plus que des remous. Les déclarations épiscopales se multiplient, exprimant le regret que Rome n’ait pas associé l’Eglise de France à la préparation de ses décisions et la crainte des effets du “biritualisme” pour l’unité des fidèles. Mais d’autres évêques sont d’un avis contraire. Tel Mgr Centerre, évêque de Vannes, qui déclare au Figaro, que “la liturgie doit être considérée en termes de continuité et non de rupture”. Sera-t-il permis à un laïc, de mêler sa voix à ce débat public, même s’il s’exprime avec quelque réticence, ne voulant pas ajouter à une certaine cacophonie.
Après tout, si c’est l’amour de l’Eglise qui inspire la réflexion et non le trouble désir d’attiser les passions, pourquoi renoncer à exprimer sa propre opinion, dans le respect et l’écoute d’autrui, singulièrement de nos évêques ? C’est pourquoi je me permets de dire d’abord que je suis enclin à faire confiance au Saint-Père qui a, depuis longtemps, réfléchi à la question liturgique et qui, pour avoir participé à l’élaboration des grands textes du concile Vatican II, est moins que quiconque disposé à brader l’héritage considérable de Vatican II. En second lieu, je plaide pour un débat en vérité et en profondeur qui permette de progresser dans l’unité et qui, avant tout avis péremptoire, tienne compte de la complexité d’une question. Déjà le Père Congar, qui n’était pas suspect de tiédeur en matière de réforme nécessaire de l’Eglise, s’insurgeait, en pleine crise lefebvriste contre un manichéisme largement partagé : “Toute discussion, disait-il, prête au danger de ne pas rendre justice à la partie opposée, à ses raisons, au sens exact de ses dires”. Et d’ajouter : “Il faudrait se décrisper et s’armer, par la grâce de Dieu, d’une patience très longanime. Cela dépasse-t-il les limites du possible ?”
Le même Père Congar, devenu par la suite cardinal, était d’avis qu’il fallait donner la possibilité de célébrer la messe en latin selon le rite de saint Pie V, à condition de ne pas lui donner le sens d’un refus du rite de Paul VI. Il n’hésitait pas non plus à chercher les conditions de reconnaissance d’un séminaire comme celui d’Ecône ! (La Crise dans l’Eglise, Cerf, 1976). Voilà donc trente ans que le théologien énonçait ainsi ses propositions de paix. Il me semble que dans un contexte nouveau, elles n’ont rien perdu de leur pertinence. Mais il ne faut pas se lasser de répéter que l’écoute doit être réciproque, que chacun doit y mettre du sien, non pour édulcorer ses positions et ses convictions mais pour mieux les fonder, dans la perspective d’un consensus dans la foi. Ce qui devrait être l’état d’esprit commun des fidèles d’une même Eglise.
Gérard LECLERC