Nicolas Sarkozy présentera, le 2 mai prochain, à l’Assemblée nationale un projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration. Il a tenu, sur un sujet aussi important, à consulter les évêques. Ainsi a-t-il pu rencontrer Mgr Olivier de Berranger, évêque de Saint-Denis, Mgr Claude Schockert, évêque de Belfort, et Mgr Stanislas Lalane, porte-parole de la Conférence des évêques de France. Ses collaborateurs ont pu également s’expliquer devant un groupe de travail dirigé par l’évêque de Saint-Denis. On se félicite qu’un ministre de la République manifeste un tel esprit de concertation avec les représentants les plus qualifiés de la société – les évêques n’étant évidemment pas seuls en cause – quels que soient les désaccords de fond apparus lors de ces échanges. Le ministre de l’Intérieur, dans une lettre au cardinal Ricard, a indiqué qu’il avait retenu trois questions sensibles qui, visiblement, provoquent, de la part des évêques, des réticences et même des refus : la stabilité des travailleurs étrangers, les délais de recours juridictionnels ainsi que la protection des femmes victimes de violences conjugales.
L’Eglise de France est dans son rôle lorsqu’elle défend la cause des migrants, souvent démunis et fragilisés. Il ne s’agit pas pour elle de faire l’impasse sur le légitime souci de la puissance publique de mieux organiser les flux migratoires en tenant compte des capacités d’accueil du pays. Le Ministre ne se dit-il pas disposé aux amendements nécessaires ? Il est vrai que peuvent subsister, au terme des discussions, des différences importantes de points de vue. Qui pourrait refuser aux évêques leur liberté de parole ? Au demeurant, c’est Nicolas Sarkozy qui les a, lui-même, sollicités. Aussi s’étonne-t-on d’une polémique qui est née dans les rangs de la majorité et qui, au nom de la laïcité, voudrait interdire toute interférence ecclésiale dans le débat public. Il conviendrait que Patrick Devedjian, par exemple, se mette d’accord avec l’homme dont il est pourtant le plus sûr soutien, mais dont il semble condamner la volonté de dialogue.
Sur le fond, la question de l’immigration est une des plus cruciales des sociétés développées. On sait qu’aux Etats-Unis, le durcissement des dispositions à l’égard des Latino-Américains provoque d’immenses manifestations et le projet de construction d’un véritable barrage à la frontière mexicaine indique sans doute la fin d’une époque de tolérance de la part d’un pays fondé précisément sur l’immigration. En Europe, la France est le pays qui a le plus ouvert ses frontières aux étrangers – sans doute deux fois plus que l’Angleterre. Il est vrai que l’Etat est en droit de réguler l’arrivée de nouveaux venus non susceptibles de trouver les conditions convenables de logement et de travail. Cela ne veut pas dire que n’importe quelle mesure coercitive est recevable. Il faut trouver, d’un commun accord, les conditions humaines, dignes d’une politique qui doit aussi s’inscrire dans les perspectives du développement des pays pauvres et d’abord du continent africain qui demeure la zone du monde la plus abandonnée et la plus sinistrée.
Gérard LECLERC