Les cérémonies commémorant le premier anniversaire de la mort de Jean-Paul II ont montré combien le peuple chrétien était attaché à cette figure inoubliable et combien il demeurait une référence pour l’histoire au titre des plus grands. Pour ceux qui ont vécu toutes les années de son long pontificat, la somme de souvenirs est tellement forte qu’il semble qu’on n’en finira jamais de méditer dans sa mémoire. Il y avait chez ce pape une telle densité humaine, intellectuelle, spirituelle que sa présence s’impose au-delà de sa disparition comme celle d’un compagnon d’éternité, d’un intercesseur. La perspective de sa béatification, tellement évidente, met mieux en lumière un modèle privilégié de la communion des saints.
Son successeur, Benoît XVI, est le plus conscient de l’héritage qu’il a reçu et qu’il doit assumer. N’a-t-il pas déclaré que l’essentiel de sa tâche constituait à puiser dans l’enseignement de Jean-Paul II pour en faire ressortir la richesse ? Ces jours derniers, on a rappelé, à juste titre, le défenseur rigoureux et parfois intrépide des droits de l’homme. Il convient toutefois de revenir sur ce sujet important afin de mieux comprendre que la notion de droits était fondée sur l’estime que le pape portait à la personne humaine, créée à l’image de Dieu. L’individu émancipé des temps modernes était invité à méditer sa vocation à travers tout un parcours où l’intelligence humaniste, la spéculation philosophique et la contemplation théologique permettaient d’approfondir le prix de l’existence, la gravité de la liberté et la vocation surnaturelle d’une humanité dont tout membre était uni mystérieusement au Christ. Poète, philosophe, mystique, Karol Wojtyla avait été préparé à l’exercice du magistère par une vie d’étude dont l’intensité avait un rapport direct avec les tragédies de son siècle. S’il avait compris depuis toujours que l’homme était la route de l’Eglise, c’est parce que l’Evangile l’avait mis à l’écoute de Celui qui sait ce qu’il y a dans l’homme.
On a pu dire qu’avec Vatican II, l’Eglise s’était réconciliée avec les droits de l’homme. Mais il serait beaucoup plus exact de dire qu’avec le Concile et l’enseignement de Jean-Paul II, ces droits ont acquis une signification plus profonde et que la réconciliation a consisté aussi dans une assomption qui permettait d’échapper au déisme des Lumières, quand ce n’était pas au “drame de l’humanisme athée” et d’une autonomie de l’individu proche du nihilisme. Le célèbre “N’ayez pas peur” de l’aurore du pontificat, faisait retentir un son nouveau, celui d’une humanité redécouvrant l’espérance théologale et ainsi la pleine perspective d’un avenir ouvert par la rédemption et la lumière de Pâques.
Gérard LECLERC