Un colloque rassemblant 400 congressistes du monde entier vient de se tenir à Rome à l’occasion du quarantième anniversaire de la constitution conciliaire Dei Verbum. Ce texte de dimension modeste est pourtant l’un des plus importants de Vatican II. A son propos, le cardinal de Lubac a pu écrire qu’il constituait « le portique et le fondement » du concile. Admirablement rédigé, il est considéré à juste titre par beaucoup comme un chef-d’œuvre de la pensée et de la doctrine catholiques. Cela est si vrai que l’examen de ces pages à la fois denses et limpides est un préalable obligé à la compréhension intérieure du concile Vatican II, que l’on invoque trop souvent sans réel souci de connaître ce qui fait son originalité et sa force. Loin de consister dans la victoire d’un camp réputé progressiste sur un autre réputé conservateur, le labeur des Pères conciliaires s’est trouvé ordonné à la recherche obstinée d’un sens de la foi qui était forcément de nature consensuelle, évidemment pas dans l’acception d’un compromis plus ou moins tactique entre factions mais dans celle d’une recherche en profondeur de la substance de la Révélation.
Dépassant la notion polémique et réductrice de l’expression « les deux sources – l’Ecriture et la Tradition » de la Révélation, Dei Verbum en rappelle l’unité profonde qui tient au dessein fondateur de Dieu : faire participer les hommes à sa propre vie. Il n’y a donc nulle concurrence entre une Ecriture que l’on isolerait arbitrairement et une tradition prétendant s’ajouter à elle comme un second monde. Il y a connexion étroite entre l’une et l’autre puisqu’elles proviennent de la même source apostolique et tendent à la même fin. Pour comprendre la Parole de Dieu il faut se placer dans la lumière de la Tradition. Il n’est pas question d’accorder à l’une ce que l’on retrancherait à l’autre, tout étant vécu dans le milieu vital de l’Eglise porteuse du message apostolique.
Sans doute la « minorité » conciliaire était-elle marquée par les séquelles de la querelle autour de la Sola Scriptura de la Réforme. Mais il y avait une autre tendance, également dangereuse, de connotation « libérale » ou « progressiste », qui consistait à mettre unilatéralement l’Ecriture sous l’arbitrage exclusif d’une exégèse se réclamant d’une autorité scientifique. Ainsi que le notait le cardinal Joseph Ratzinger à propos de la mise au point de Dei Verbum (à laquelle il avait participé directement), la constitution conciliaire remettait la Parole de Dieu sous la garde de la communauté des croyants : « La Révélation a des outils, mais elle n’est pas séparable du Dieu vivant et elle exige toujours des hommes vivants, chez qui elle est reçue ». (Ma Vie, Fayard) L’Eglise comme organisme vivant de la foi est le lieu même de la Révélation. Quarante ans après Vatican II, nous sommes mieux à même de comprendre l’esprit vivifiant du concile et d’en vivre.
Gérard LECLERC