Le départ du cardinal Lustiger de l’archevêché de Paris était annoncé depuis plusieurs mois. Il n’est donc pas une surprise, et pour autant il n’est pas anodin. On permettra, un court instant, avant toute considération générale, d’exprimer un sentiment personnel de gratitude. Tant de souvenirs me reviennent. Tant de moments privilégiés. Ces vingt-quatre ans d’épiscopat dans la capitale ont tellement compté. Ce n’est certes pas un adieu qu’il faut faire aujourd’hui, mais une action de grâce pour tous les dons reçus. Impossible de les énumérer ici. D’ailleurs le Cardinal l’accepterait plutôt mal, lui qui n’a jamais eu le goût des panégériques et qui à tout moment retournait les satisfecit, les bilans et les congratulations en prière et en interrogation devant Dieu. C’est pour cela qu’il faut d’abord remercier : pour le radicalisme évangélique qui nous faisait nous ressaisir sous le regard de la Providence et nous invitait sans cesse à nous remettre en cause tout en nous abandonnant à la gratuité de l’action du Créateur en nous.
C’est de cela qu’il faudra toujours nous ressouvenir. Le cardinal Lustiger n’est certes pas avare de culture humaine, de savoirs positifs, d’intérêts très vifs pour notre temps et l’histoire qui se fait, mais il nous ramène en toute occasion au mystère de la foi, qui est toujours actualisation de l’action du Christ et méditation sur sa Pâque. “La foi est toujours participation à la Passion du Christ, parce qu’elle consiste à se remettre soi-même en s’appuyant sur Dieu plutôt que sur soi, d’être déchiré par nos contradictions. Déchirement de notre égoïsme, de notre ignorance, de nos refus. La foi s’oppose en nous au refus de la fermeture du cœur, à l’obscurité.” Les occasions furent innombrables où l’archevêque de Paris rappela ainsi le chemin de conversion dans le Christ et la centralité de l’Eucharistie.
Tous les choix opérés en ce quart de siècle par le successeur des apôtres à Paris s’ordonnent à cette centralité. L’esprit “prophétique” qui caractérisait tellement la parole du Cardinal ne s’explique que par l’intégration totale de la vision biblique au cœur de notre actualite. Face à tant de constats désabusés ou de discours conformistes, le Cardinal a fait rejaillir la nouveauté du Christ comme la réponse toujours incroyablement neuve à notre humanité problématique et dramatique. Un épiscopat s’achève mais la parole dont nous nous sommes nourris continuera à retentir en nous et au-delà de nous-mêmes. C’est avec joie que nous accueillons Mgr André Vingt-Trois, qui avec ses qualités personnelles, poursuivra la même tâche. La continuité évidente voulue par le Saint-Père pour le diocèse de Paris ne sera pas pure répétition. D’autres défis attendent le successeur du cardinal Lustiger. Notre prière l’accompagne pour son ministère voué à la même évangélisation, pour une autre étape de l’Histoire.
Gérard LECLERC
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- 3083 (5) Le cardinal était resté juif
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- OBSERVATION : SCIENCE ET MIRACLE