2961-Crime contre l'humanité - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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2961-Crime contre l’humanité

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Il nous faut revenir, cette semaine encore, sur le soixantième anniversaire de la libération du camp de la mort, ne serait-ce que pour réfléchir sur la nature de cette transgression absolue dont nous parlions la semaine dernière. Il y a, en effet, un caractère unique de la Shoa, même s’il y eut au vingtième siècle d’autres massacres de masse et d’autres génocides (génocide arménien, goulags soviétiques et chinois, génocide cambodgien, tragédie rwandaise…) Ce n’est pas en termes techniques que cette unicité se caractérise. Il est certes exact que la volonté nazie d’exterminer toute la population juive d’Europe s’est traduite par une organisation minutieuse, dotée de moyens “industriels” pour parvenir à “la solution finale”. Il n’y a pas d’exemple semblable de massacre programmé, systématisé. Mais la dimension morale, politique et religieuse du crime nazi surpasse ses moyens techniques, qui sont d’ailleurs la résultante de la volonté et du projet d’extinction du peuple juif.

Hanah Arendt a montré comment nombre de responsables nazis, qui “n’étaient pas des tueurs et des sadiques par nature”, n’avaient pu perpétrer leurs crimes que par une anesthésie de leurs consciences. Himmler, par exemple, apprenait à ses subordonnés à considérer que “la pitié animale” qu’ils pouvaient ressentir n’était rien à côté du “devoir accompli”. «Ainsi, écrit-elle, au lieu de se dire “quelles horribles choses j’ai faites aux gens !”, les assassins devaient pouvoir se dire “A quelles horribles choses j’ai dû assister dans l’accomplissement de mon devoir, comme cette tâche a pesé lourd sur mes épaules !”» Certains crimes de guerre peuvent être perpétrés dans des conditions psychologiques particulières, la fureur des combats, l’inconscience d’un moment. Rien de tel ici, où tout est froidement décidé, planifié, ordonné par l’intermédiaire des cascades hiérarchiques. L’auteur de Eichmann à Jérusalem, insiste aussi sur ce point que les “chambres à gaz” ne correspondaient pas à une impulsion particulièrement sadique. Comme Hitler avait déjà fait pratiquer sur les handicapés ce type d’exécution, il l’employait sur une échelle plus grande à l’égard des juifs à cause de son efficacité et même son aspect “euthanasique”.

La notion de crime contre l’humanité ressort plus clairement, si on la réfère à ce projet délibéré, mûri, de tuer les Juifs en effaçant tous les impératifs moraux, en faisant croire aux exécutants qu’il s’agissait d’une tâche indispensable. Mais elle retrouve sa dimension ultime dans le choix du peuple de la Promesse. Le cardinal Jean-Marie Lustiger, qui représente Jean-Paul II cette semaine à Auschwitz, a expliqué qu’il s’agissait pour les nazis de tuer le témoin. Et encore de tuer le messager pour supprimer le message. Le message divin des Dix commandements devait être aboli par ceux qui voulaient briser la conscience morale en établissant le droit au meurtre.

Gérard LECLERC