La perspective missionnaire, qui est résolument celle de l’Eglise en notre situation historique, ne peut se comprendre que par rapport à l’Avènement qu’une fois de plus nous allons revivre à Noël. Pourquoi rechigner à reprendre chaque année le même cycle de la liturgie ? Il est indispensable jusqu’à ce que soit advenu l’ultime avènement, celui de la Parousie. Et puis, humainement parlant, les mêmes choses ne recommencent-elles pas à neuf à chaque naissance, dès que l’enfant paraît ? Ce thème a été repris par des philosophes contemporains comme Hannah Arendt et Pierre Boutang. “Le miracle qui sauve le monde, disait la première, c’est finalement le fait de la natalité”. La merveille à chaque fois recommencée, ce sont bien ces yeux qui s’ouvrent au monde, et le renouvellement d’une promesse dans une histoire qui rebondit. La nativité de Bethléem reprend le miracle et cette promesse à leur degré ultime, impensable au dehors du don absolu que Dieu fait à l’humanité.
Le fait de la naissance du Fils n’est pas seulement signe d’une promesse. Il est la Promesse accomplie. Par l’Incarnation, Dieu s’identifie charnellement à toute naissance et éclaire chaque promesse particulière comme reliée au dynamisme de l’action trinitaire. “Car par son Incarnation, enseigne le concile Vatican II, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni à tout homme”. La nature humaine a été élevée ainsi “à une dignité sans égal”. Telle est la bonne nouvelle, qui s’énonce aussi bien dans le Paris de la Toussaint 2004 que dans le Lyon de l’Immaculée Conception. La civilisation et la culture ont pu accomplir de multiples mutations depuis le premier Noël, la modernité rompre avec un certain historique de chrétienté, la post-modernité s’émancipe d’une certaine conception du Progrès des Lumières, la vérité et la profondeur du message demeuraient intactes. Elle le demeure même si les conditions de la naissance aujourd’hui sont parfois manipulables au point de bafouer la gratuité de l’amour et l’intégrité de la conjugalité. Qu’importe, l’Avènement n’en est que plus nécessaire, plus admirable, ne serait-ce que pour restituer le sens surhumain de la nativité.
De récentes discussions ont posé la question de la nature de la promesse et d’un message religieux dans une période définie comme post-religieuse. Un passionnant débat entre Marcel Gauchet et Luc Ferry, l’un et l’autre agnostiques, aboutit à cette certitude commune aux deux philosophes, qu’après la sortie du religieux, les interrogations fondamentales ne peuvent que renvoyer au-dehors de tous les déterminismes qui prétendaient prédestiner l’humain à une finitude de type scientiste.(1) N’est-ce pas précisément la question de la naissance comme Avènement vers une Promesse qui revient alors. La sollicitude divine ne peut-elle rendre Noël proche et miraculeux à nos contemporains ?
Gérard LECLERC