Un siècle de Semaines Sociales, c’est un événement dans l’histoire du catholicisme français ! Il est dignement fêté, du 23 au 26 septembre à Lille, même si les dirigeants des Semaines auraient aimé que le Pape lui-même vienne présider le centenaire de leur institution… Ce projet non réalisé est significatif de la portée de cet anniversaire, qui consacre les valeurs et les réalisations de ce qu’on appelle “le christianisme social”, sans préjuger d’un avenir où les chrétiens doivent être impérativement présents sur le terrain de la justice, du développement des libertés, de l’équilibre des échanges internationaux dans le respect de la dignité humaine.
On a pu croire un moment que l’histoire, pourtant riche et contrastée du catholicisme social, avait pris fin au tournant des années soixante/soixante-dix avec une crise qui entraînait avec elle la fin d’un monde. Avec le recul du temps, peut-on penser, qu’en dépit des énergies perdues voire gâchées, du crédit immérité d’idéologies aussi vite discréditées que montées en graine, il existe un bon usage des pires tourmentes ? Qui dit crise ne dit pas seulement malaise ou maladie, mais selon l’étymologie grecque renvoie à la nécessité d’un discernement nouveau. Il fallait que les chrétiens rebondissent sur les enjeux d’un monde en plein bouleversement afin de renouveler leurs analyses et, à partir d’une ressaisie des exigences évangéliques, reformulent des solutions adaptées.
C’est Jean-Paul II lui-même qui devait donner le signal de ce rebondissement avec son encyclique Laborem exercens en 1981. Il abordait, en effet, la question du travail humain dans une perspective ignorée de ses prédécesseurs, en ouvrant ainsi à la réflexion chrétienne un champ d’investigation impressionnant. ll apparaissait qu’en période d’éclipse ou de mort des idéologies, c’est d’abord dans le domaine anthropologique qu’il fallait se risquer, ne serait-ce que pour contrer le nihilisme ambiant et l’utilitarisme libéral encouragés par les désillusions dues aux échecs des utopismes du XXe siècle.
Une dynamique a été ainsi relancée dont témoignent les énergies dispensées dans des mouvements catholiques nés dans les dernières décennies. Un Andrea Ricardi, qui est présent à Lille, est un acteur privilégié, dans sa communauté Sant’Egidio, de ces initiatives dont les chrétiens prennent désormais la responsabilité dans les domaines les plus divers. Les Semaines Sociales du centenaire ont choisi le thème de l’Europe pour leurs travaux. Présumons qu’il sera traité avec l’audace, l’imagination créatrice, la pertinence dont sont capables les chrétiens, afin de donner au projet européen la dimension culturelle et spirituelle dont il a besoin, en s’inspirant du génie évangélique inséparable de son destin.
Gérard LECLERC
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
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- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Ouverture du Synode pour le Proche Orient