Les Parisiens – et leurs hôtes venus parfois de très loin – qui ont vécu les pleines journées de la semaine préparatoire à la Toussaint 2004, ont la tête encore peuplée de souvenirs et d’images. Avec toute une référence visuelle, particulièrement bien servie par les caméras de KTO : Notre-Dame de Paris, son parvis avec l’immense croix-arbre de vie qui accueillait la foule des pèlerins, et la nef même de la cathédrale dans toute sa profondeur, avec en point de mire la pieta du vœu de Louis XIII. Autour de ce centre de gravité, toute la capitale était en mouvement, grâce aux centaines
d’initiatives déployées dans les paroisses, les sanctuaires, les places et les rues. Impossible de résumer en quelques formules un tel foisonnement qui, au total, aura touché des centaines de milliers de personnes, ne serait-ce que celles qui ont écrit leurs prières sur les livres de vie, amenés ensuite en procession jusqu’au cœur de la cité.
Il serait inadéquat de parler simplement de succès au terme de l’accomplissement du projet né dans le cœur du cardinal Lustiger et de tous ceux qui l’ont accompagné dans cette belle aventure, même s’il y a là l’incontestable réussite d’un pari mûrement réfléchi… Car il serait vain de comptabiliser les résultats et les effets de cette semaine dont l’essentiel est dans le secret des âmes. C’est pourquoi il nous est bon de méditer ces choses, au-delà de tous les bilans nécessaires. Le tout dernier livre* de l’archevêque de Paris peut nous y aider, tant la réflexion qui y est menée sur l’évangélisation est en étroite connexion avec cette Toussaint 2004.
Qu’écrit, en effet, le Cardinal à propos de l’évangélisation ? “La force de l’émotion peut éveiller la générosité du public. Mais combien de tels élans sont fragiles ! L’oubli guette chacun. Que l’on cesse de parler d’une détresse, et l’émotion fait place à l’indifférence.” Et encore : “Que change l’actualité, et tout le monde oublie ! Dieu, n’oublie jamais”. En d’autres termes, l’évangélisation, passe par des moyens humains et – pourquoi pas ? – par des émotions. Mais elle ne serait qu’un prosélytisme équivoque, si elle n’aboutissait pas à une conversion profonde, où Dieu se révèle à chaque personne singulière et où le “passeur” lui-même n’est pas indemne du Dieu qu’il annonce. Ainsi se découvre-t-il
“humble, pauvre avec ses limites et la force que Dieu met en notre faiblesse pour répondre à son appel ainsi qu’à notre désir profond de faire connaître et aimer celui que nous connaissons et aimons.” Et le Cardinal de conclure : “C’est alors que Dieu lui-même se donne à voir dans ses serviteurs.”
Notre temps dénonce, à toute occasion, un prosélytisme qui mettrait en péril la liberté des individus et le consensus social à force de fondamentalisme et d’extrémisme moral. On peut toujours disputer avec les arguments rationnels du bien fondé de tels griefs, qui à un certain degré, finissent par s’opposer à la liberté même de l’esprit. L’évangélisation – celle de la Toussaint 2004 – s’inscrit dans l’ordre de la charité – infiniment supérieur à ces griefs – puisqu’elle entend simplement proposer cette ouverture du cœur où se profile le bonheur de la foi.
Gérard LECLERC
Pour aller plus loin :
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Jean-Paul Hyvernat
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies