Dimanche dernier, une foule considérable avait investi la cathédrale Notre-Dame de Paris et son parvis pour un événement bien singulier. Une lecture publique des Confessions de saint Augustin par Gérard Depardieu ! Le célèbre acteur réussit à merveille son service du texte, dans un climat d’écoute d’une rare intensité. A côté de lui, le professeur André Mandouze, fort d’une vie de travail sur l’œuvre augustinienne, mettait en situation les extraits du maître ouvrage. Ainsi un très vaste auditoire pouvait-il communier à l’expérience spirituelle d’un des plus grands génies du christianisme. Nul doute que Notre-Dame ait vécu une de ses grandes heures, celle où l’exceptionnelle beauté de la maison de Dieu s’accorde au message reçu par tout un peuple.
En écoutant André Mandouze et Gérard Depardieu grâce au canal de Radio Notre-Dame, je ne pouvais m’empêcher de penser aux pages que notre ami le père Bernard Bro consacre dans ses confessions sur le siècle (1) à la cathédrale où il prononça vingt-six conférences au cours des quatre années où il prêcha le carême. A un moment, il évoque l’émotion du peintre Matisse, auteur de la chapelle de Vence, devant « la foule immense, des têtes à perte de vue, l’architecture, les vitraux et les vagues de la musique de l’orgue passant sur les têtes ». Claudel n’avait-il pas eu un sentiment semblable le jour de sa conversion, au moment du Magnificat ? Il se produit, de temps à autre, cette sorte de miracle où l’esthétique et la culture se trouvent au diapason de la Bonne Nouvelle. Quel bonheur si, à partir de cet événement, de nouvelles générations de lecteurs pouvaient refaire la découverte de ce livre inaltérable d’Augustin, dont Depardieu a su montrer l’étonnante actualité et la façon dont elle résonne dans une sensibilité moderne. N’était-ce pas quelque chose comme « la nouvelle harmonie » de Rimbaud, une référence que Claudel n’eut pas désavouée ?
Cependant, ces instants de grâce n’empêchaient pas la marche du monde et de ses tragédies. L’actualité n’était que bruits de guerre, combats ultimes pour la paix. On apprenait que le Saint-Père envoyait le cardinal Etchegaray à Bagdad pour plaider un compromis auprès du régime irakien. Mais là encore, Augustin n’était nullement déphasé, lui qui avait vécu intensément la crise terminale de l’Empire romain et s’était longuement interrogé dans La Cité de Dieu sur la paix, définie comme la tranquillité de l’ordre et la finalité d’une justice supérieure.
Gérard LECLERC
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