2886- Aimer l'Eglise - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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2886- Aimer l’Eglise

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Après cette semaine de Pentecôte, il nous est nécessaire de continuer à méditer sur le mystère de l’Eglise. Si nous n’y étions pas spontanément enclins, l’actualité de chargerait de nous y inciter. Des thèses se répondent dans l’édition et la presse, pour mettre en doute la pertinence de l’institution ecclésiale et sa possibilité même de servir dans un monde qu’elle ne comprendrait pas et à qui elle serait de plus en plus indifférente. Ce genre de littérature n’a rien de nouveau, et l’on peut même dire qu’à l’Age moderne il n’a cessé de se reproduire d’idéologies en idéologies qui, avec le recul du temps, nous apparaissent infiniment plus mortes que l’institution dont elles annonçaient la fin avec la plus grande certitude. Que l’on se reporte, par exemple, au livre que le père de Lubac publia, il y a un demi-siècle (et qui donnera lieu, l’automne prochain, à un colloque à Fourvière, sur l’initiative de l’archevêque de Lyon). Nous y retrouvons l’écho d’un pessimisme identique. Le grand théologien reprend les arguments, hostiles à l’Eglise, qui sont aujourd’hui partout : inadaptation, inefficacité, méconnaissance des réalités modernes. Tout y est.

Voilà qui n’était pas pour impressionner l’auteur de Méditation sur l’Eglise (1953) qui, au cœur de l’adversité, voyait se mieux profiler la réalité de la profondeur du mystère. Aucune considération d’ordre sociologique ne lui paraissait devoir prendre le pas sur « le bien surnaturel, dont [l’Eglise] est ici bas l’ouvrière » et qui « se totalise dans l’invisible ». On pourra toujours rétorquer que la foi des spirituels est à mille lieux de l’histoire et de la civilisation qui se font – ce qui serait d’ailleurs à examiner de près – mais il faut prendre conscience qu’avec le mystère de l’Eglise, on a affaire à un domaine sui generis, qui ne saurait souffrir nulle erreur d’identification. Que l’on consulte un autre grand théologien, protestant celui-là, comme Karl Barth. En dépit des différences indéniables d’accent, on trouvera une certitude irréfragable à l’égard « de la suprématie absolue de la mission divine, qui régit la vie humaine de l’Eglise et la détermine totalement ». Et encore : « l’existence de l’Eglise réside à la fois dans son obéissance à la mission que le Christ lui a confiée, et dans l’exécution de cette mission. » (1)

C’est peut-être difficile à avaler pour les dévots d’une certaine modernité, mais « l’Eglise est d’abord l’Eglise des saints » (Bernanos), ou elle n’est rien. Que veut-on ? Que le christianisme se fonde dans les courants et les mœurs contemporains ? Mais alors, il ne restera rien de sa substance. C’est déjà ce que disait le cardinal Newman dans ce trésor de la littérature chrétienne qu’est l’Apologia pro vita sua (2), et dont l’itinéraire intellectuel a consisté à retrouver dans la continuité organique de la tradition – dont Rome est la gardienne – la mission confiée par le Christ à une Eglise qui a la promesse de la vie éternelle.

Gérard LECLERC