2897-L’Europe de l’Esprit - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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2897-L’Europe de l’Esprit

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On avouera que le paradoxe est criant. C’est au moment où l’Europe semble renoncer à rappeler clairement ses origines religieuses que nos Journées européennes du patrimoine sont dédiées au “spirituel”. Notre ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon s’est clairement expliqué à ce sujet dans notre précédent numéro, regrettant explicitement la timidité du préambule de la “constitution européenne”. Le quotidien Libération, peu suspect de cléricalisme, le reconnaît sans restriction : “Les Eglises forment à peu près la moitié du patrimoine classé ou protégé en France. Les édifices sacrés sont au cœur de notre héritage, qui vont des chapelles romanes aux cathédrales gothiques, en passant par les temples protestants, les synagogues ou les mosquées.” (20 septembre 2003). Comment, alors, expliquer ce décalage entre la réalité éblouissante de l’héritage et la pudeur panique de la plupart de nos politiques ?

Certes, nous demeurons tributaires de la crise des Lumières et de son prolongement dix-neuvièmiste qui consacra l’humanisme athée. Depuis lors, les préjugés laïcistes font barrage à toute possible renaissance du religieux, au nom d’un impossible réenchantement du monde. On veut imposer autoritairement l’idée que l’Europe étant l’espace même de l’émancipation moderne, il est inconcevable qu’elle se livre à nouveau à la fatalité de la servitude “théologico-politique”. Contre un tel préjugé de plomb, il est souvent difficile de rappeler des vérités pourtant élémentaires. La fin du théologico-politique n’a pas eu que des effets libérateurs, elle a précipité l’avènement des totalitarismes qui ont déshonoré le XXe siècle. Elle est cause aujourd’hui d’un nihilisme qui conduit notamment au suicide démographique de notre continent.

Par ailleurs, il est mensonger d’affirmer que la pensée européenne contemporaine est uniformément vouée au rationalisme et à l’athéisme. C’est faire bon marché d’un mouvement de fond qui a caractérisé, par exemple, les intellectuels juifs du vingtième siècle, en réaction contre le déni de transcendance. Il faut lire à ce propos l’admirable livre de Pierre Bouretz sur le messianisme des grands penseurs juifs du vingtième siècle. Tous, montrent-ils, ont refusé que s’efface l’horizon d’un au-delà de l’histoire. Et cela au nom de la Tradition de leur peuple dont ils refusaient qu’elle soit sacrifiée au désenchantement du monde. Le lexique de cette tradition, écrit Pierre Bouretz “est celui de la liberté et de
la paix, de la connaissance et de la sagesse, de l’accomplissement et de la perfection. Elle se conjugue au futur”. Le futur que refonde l’espérance. (1)

Gérard LECLERC