En passant de l’Italie à l’Espagne pour se rendre à la 5e journée mondiale des familles, Benoit XVI a relié les deux pays qui se partagent le taux de fécondité le plus faible d’Europe avec 1,2 enfant par femme en moyenne. Le pape venu d’Allemagne sait que son pays d’origine est à peine mieux loti. Près d’une femme sur deux y exprime le refus de toute maternité. Les démographes prévoient, à l’horizon 2100 une Espagne à 11 millions d’habitants, 15 millions pour l’Italie et 32 pour l’Allemagne ! Ursula von der Leyen, ministre allemand de la Famille – catholique et mère de sept enfants – a beau annoncer par une politique familiale inspirée de la France, l’inversion dramatique de la pyramide des âges semble inéluctable.
La tenue à Valence de l’édition 2006 de la Rencontre mondiale des Familles est l’occasion pour l’Eglise de partager sa lucidité sur ces enjeux avec un monde trop longtemps égaré par les prédictions catastrophistes des théoriciens de l’explosion démographique, eux-mêmes aveuglés par leur idéologie malthusienne. L’Eglise fait désormais figure de précurseur ; de nombreux courants de pensée la rejoignent. Trop tard disent les experts. L’hebdomadaire Courrier International dans sa livraison du 22 juin a beau titrer « La famille revient ! », pronostiquant une « révolution conservatrice » et « un retour en force de la famille patriarcale, mode d’organisation permettant de produire le plus d’enfants », l’intérieur des pages ne pousse pas à l’optimisme. « Statistiques irréfutables » à l’appui, on comprend que le déclin du vieux continent est « sans issue ». Et le professeur de démographie Herwing Birg d’expliquer ce qu’il nomme le paradoxe économico-démographique : « Plus la vie d’une société riche est confortable, plus on a de sécurité et de garanties pour l’avenir, moins les individus optent pour des choix qui les engagent pour le long terme, tel que mettre des enfants au monde. »
C’est sur le mode de l’impuissance à éviter le drame que les économistes vantent pourtant la famille comme lieu privilégié – voire irremplaçable – de la solidarité. En période de crise, quand règne le « chacun pour soi », seul l’amour gratuit permet de maintenir le tissu social expliquent-ils. Derrière la famille éclatée – monoparentale ou recomposée – il y a souvent une faillite de l’amour, signe et cause d’une crise sociale, économique et politique dont nous n’avons pas fini de mesurer la portée. Vue sous cet angle, la revendication homoparentale fait figure de caprice de société en fin de vie.
A Valence, Benoît XVI a commencé sa visite par un geste à haute portée symbolique et compassionnelle, rencontrant les proches des victimes de l’accident du métro, répondant aux souhaits de familles de prier avec lui. Un geste propre à réveiller, dans une Espagne en pleine perte de repères, le sens des véritables perspectives de l’amour humain.
On sait les relations entre l’Eglise et le gouvernement espagnol tendues. La rencontre des familles n’est cependant pas directement axée sur un sujet où les terrains politiques et spirituels sont superposés : « Le thème de la rencontre de Valence est la transmission de la foi dans la famille et ma première visite apostolique dans cette ville va me permettre de dire : familles, vis et transmets la foi », avait annoncé Benoît XVI avant ce rassemblement de plus d’un million de fidèles. Mais d’une part on ne peut nier la relation entre la vie spirituelle des familles et leur stabilité, et, d’autre part, le Saint-Père n’a pas manqué de contester les formes de relations qui entendraient « usurper » le mot famille, réaffirmant qu’elle est fondée sur « l’union par le mariage entre un homme et une femme, selon le dessein du Créateur ».
Présente à Valence, en tant que Consulteur du Conseil pontifical pour la famille, Christine Boutin est intervenue le 5 juillet lors du congrès préparatoire à la rencontre. Dénonçant l’idéologie du « gender » qui tend à nier l’altérité naturelle entre les sexes en dénaturant la structure familiale, la Présidente du Forum des Républicains Sociaux, notait la menace que constitue pour l’enfant le fait de n’être « que l’objet de la projection des adultes ». Or, le propre de l’amour, dont la famille est le creuset, c’est sa gratuité.
Tugdual DERVILLE
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