3039-Avorter toute seule - France Catholique
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Pâques. La foi des convertis
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3039-Avorter toute seule

Le Ministère de la Santé vient de rendre public les chiffres de l’avortement à domicile. 10.000 actes comptabilisés en 2005, année de son autorisation. Une technique non traumatisante ?
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Prendre un premier rendez-vous médical. Un second pour confirmer sa décision par écrit. Au cours d’un troisième, avaler le RU486 fourni par le médecin dans son cabinet. Retourner chez soi pour y attendre l’effet abortif… Tel est le principe de l’IVG à domicile qui se pratique légalement en France depuis janvier 2005. La pratique tend à se répandre, désengorgeant les services hospitaliers.

En août 2004, c’est Philippe Douste-Blazy qui signait les décrets d’application permettant la mise en œuvre de l’avortement médicamenteux rebaptisé « en ville » par opposition avec sa pratique hospitalière. Le ministre de la Santé ne faisait que tirer les conséquences réglementaires de la loi Aubry, votée trois ans plus tôt. Mais il apportait alors son soutien au RU486, déclarant que sa prise est « quelque chose de non traumatisant (qui) permet de sauver l’avenir de la fécondité d’une femme et d’être encadré médicalement ».

Ce plaidoyer fut diversement commenté. Satisfait par la mesure qu’il avait bruyamment réclamée, le Planning Familial n’en protestait pas moins contre ce que le ministre avait révélé à cette occasion à propos de l’avortement chirurgical en affirmant « Quand vous subissez un avortement chirurgical, c’est un drame, et vous prenez un risque pour faire d’autres enfants. » De son côté, l’Alliance pour les Droits de la Vie apportait un démenti : « Nous recevons de plus en plus de témoignages de femmes qui, pensant que l’avortement médicamenteux est moins traumatisant, y ont recours de manière précipitée. Elles nous disent combien l’auto administration de l’avortement dans la solitude se révèle a posteriori culpabilisant. »

On sait que 5% de ces femmes se retrouvent aux urgences à cause de complications tandis que pour 1% d’entre-elles, l’aventure se termine par un avortement chirurgical, après échec du produit.

Deux ans après, les témoignages qui accompagnent la publication du premier bilan quantitatif de « l’IVG en ville  » corroborent les mises-en-garde. Françoise Chadrin, gynécologue au Planning Familial à Saint-Denis (93) le reconnaît dans Le Monde du 9 septembre 2006 : « Pendant la prise du comprimé, j’ai toujours des mouchoirs à portée de main car beaucoup de femmes pleurent. » Interrogé à son tour, Philippe Faucher, gynécologue à l’hôpital Bichat (Paris) estime : « Mieux vaut (…) éviter l’IVG médicamenteuse en ville pour les femmes qui sont très seules (…) ou les patientes qui avortent contre leur gré et qui ont beaucoup d’appréhension à l’idée de voir l’œuf. » Une analyse qui fait réagir le docteur Xavier Mirabel, président de l’Alliance pour les Droits de la Vie : « En réalité, la plupart des femmes qui avortent se sentent seules, et beaucoup recourent à cet acte particulièrement violent contre leur gré. L’avortement à domicile enfouit ces drames intimes dans davantage de silence, et fait porter toute la culpabilité sur les femmes. » Et Caroline Roux secrétaire générale de l’association renchérit à propos des appels que reçoit son service d’écoute : « Nous constatons que ce qu’on a présenté comme un avortement-minute est un véritable marché de dupe pour bien des femmes : elles se retrouvent livrées à elles-mêmes. Elles nous racontent ce geste irréversible suivi d’une attente douloureuse des effets produits. Le plus dur pour elles, c’est ce qu’elles voient et qu’elles ne peuvent oublier. Quant aux proches, ils sont parfois eux-mêmes si perdus ou indifférents que cela ajoute au sordide. » Et de dénoncer l’effet panique qui pousse les femmes à se faire avorter avant la 5e semaine, le « délai technique » du RU486 précipitant leur décision avant qu’elles aient eu le temps d’y réfléchir. Avec « tant de regrets à la clé ».

Au moment du trentième anniversaire de la loi de 1975, un sondage BVA révélait qu’une majorité des 1000 femmes interrogées considéraient que l’avortement à domicile « va dans le mauvais sens car cela risque de banaliser l’IVG ». Quel gouvernement osera relever le défi du véritable féminisme ?

Tugdual DERVILLE