La planète bioéthique est en ébullition. La revue internationale Nature a révélé le 7 janvier qu’on avait découvert que le liquide amniotique contenait 1% de cellules-souches embryonnaires. L’utilisation de ces cellules convoitées pourrait-elle ne plus encourir la réprobation de l’Eglise ? Le cardinal Barragan voit en effet un « pas en avant très significatif et éthiquement admissible » dans une découverte « qui ne porte pas atteinte à la vie ». Le président du Conseil pontifical pour la pastorale de la santé précise : « l’Eglise n’est pas obscurantiste, elle est toujours prête à accueillir les vrais progrès scientifiques ».
Jusque-là, l’utilisation de cellules souches embryonnaires impliquait au moins l’instrumentalisation de l’embryon (créé in vitro) et, au pire, sa destruction au cours du processus de recherche. Certes des scientifiques ont affirmé, en 2006, avoir réussi à prélever des cellules de l’embryon sans le détruire, mais cette solution ne pouvait satisfaire l’Eglise. Elle n’encourageait donc que les recherches sur les cellules-souches adultes, qui ont d’ailleurs fait la preuve de leur utilité. Mais comme l’explique le cardinal Barragan sur Radio Vatican, la nouvelle publication change la donne : « Si pour extraire une quantité de liquide amniotique, on ne met pas en difficulté ou en danger le donneur (…), je pense qu’il n’y a aucun problème. » S’exprimant « au conditionnel » pour s’en remettre aux scientifiques, le cardinal précise que l’homme peut « dominer [la terre], non comme un maître absolu, mais comme ‘seigneur’, c’est-à-dire en faisant en sorte que la création progresse grâce à lui, et ne régresse pas. »
Cette occasion de rapprochement entre certains chercheurs et l’Eglise intervient alors que les controverses éthiques se multiplient autour de l’embryon. En Grande-Bretagne, la communauté scientifique – qu’on sait très matérialiste – est en émoi : l’organe de régulation bioéthique est en passe d’interdire la création d’embryons hybrides, combinant du matériel génétique humain et animal, après qu’une équipe a prétendu entreprendre de telles recherches. Aux Etats-Unis, des parlementaires démocrates tentent, à la faveur des résultats des dernières élections, de faire voter un projet de loi prévoyant de mettre fin à l’interdiction des financements publics de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. En France, le décret autorisant les « bébé-médicaments » a été publié le 23 décembre. Il étend la pratique du diagnostic préimplantatoire (DPI) permettant d’effectuer sur l’embryon un « double DPI » qu’il prétend « expérimental » et « strictement encadré », comme à chaque fois qu’on légalise une transgression. Le premier diagnostic vise à éviter de donner naissance à un enfant porteur de l’anomalie génétique qui frappe une famille. Le second permet de choisir, parmi les embryons indemnes, celui qui serait « donneur compatible » pour soigner son aîné. Contestée à l’époque du vote de la loi du 6 août 2004, cette notion de « bébé médicament », outre son caractère eugéniste, occulte les risques de trouble psychologiques pour les enfants concernés.
Depuis la révélation des supercheries du professeur coréen Hwang, la suspicion règne dans la course planétaire au trésor embryonnaire. Effets d’annonce, publications, rétractations… avec des mobiles financiers en toile de fond. Les journalistes spécialisés hésitent à se fier aux publications emblématiques comme la revue Nature, prise en défaut à plusieurs reprises. Après la révélation des travaux de l’équipe qui affirmait réussir à prélever des cellules sur l’embryon sans le détruire, ils ont successivement remis en cause et requalifié la découverte…
Dans le contexte pré-électoral, les chercheurs français tentent néanmoins d’obtenir deux « avancées » : l’extension des autorisations sur la recherche embryonnaire et la légalisation du clonage à visée thérapeutique. La droite libérale comme la gauche libertaire pourraient les leur offrir, sans attendre les révisions des lois bioéthiques prévues en 2009. Pour légitimer cette escalade, aucun argument éthique, ni même thérapeutique. La « concurrence scientifique » attise une frénésie mondiale.
Tugdual DERVILLE