Je ne vous décevrai pas ! La formule est à double tranchant. Nicolas Sarkozy a promis, son heure étant enfin venue, de rendre à son pays ce qu’il avait reçu de lui, c’est-à-dire « tout ». La posture messianique caractérise de plus en plus la politique française. Elle n’est pas propre au nouveau président et surprend toujours les observateurs étrangers. Dans son élan, Nicolas Sarkozy n’a pas seulement tenu, une fois son élection confirmée, à se poser en président de tous les Français : dans la joie de la victoire il leur a annoncé des lendemains enchanteurs.
Celui qui se dit adepte du pragmatisme et qui avait stigmatisé l’irresponsabilité économique de Ségolène Royal, au cours de leur ultime face-à-face, par la formule « Demain on rase gratis », ne s’est-il pas engagé à des résultats stupéfiants ? « Ce changement (…) je le ferai sans que personne n’ait le sentiment d’être exclu, d’être laissé pour compte. Je le ferai avec la volonté que chacun puisse trouver sa place dans notre République, que chacun s’y sente reconnu et respecté dans sa dignité de citoyen et dans sa dignité d’homme. Tous ceux que la vie a brisés, ceux que la vie a usés doivent savoir qu’ils ne seront pas abandonnés, qu’ils seront aidés, qu’ils seront secourus. Ceux qui ont le sentiment que quoi qu’ils fassent ils ne pourront pas s’en sortir doivent être sûrs qu’ils ne seront pas laissés de côté et qu’ils auront les mêmes chances que les autres. »
Pareille envolée lyrique favorise autant la victoire de l’UMP aux prochaines législatives que la réponse des Français à l’appel de leur nouveau leader : qu’ils fassent preuve de générosité, de tolérance et de fraternité. Bonheur au vainqueur : selon une enquête Opinion way, réalisée le jour du vote, 66% des Français attendaient « du (de la) prochain(e) président(e) de la République qu’il (elle) applique son programme, même si tout le monde n’est pas d’accord ».
On s’attend donc à un état de grâce durable, mais décliner de louables intentions en promesses aussi universelles que celles que fit Nicolas Sarkozy dimanche soir ne réclame-t-il pas des pouvoirs qui excèdent ceux que confèrent au chef de l’Etat la Constitution… et l’humble condition humaine ? Nicolas Sarkozy imagine-t-il encore éradiquer la souffrance, comme le laissèrent penser certains cafouillages de campagne autour de l’euthanasie avant clarification ? La posture prométhéenne a quelque chose de naïf ou de risqué.
Tablant sur de futurs désenchantements, les responsables socialistes ont d’ailleurs, sur les plateaux de télévision, soigneusement pris acte des engagements du vainqueur avant de reprendre leurs règlements de compte internes en direct.
Certes, le président nouvellement élu avait aussi tenu à rappeler, en cinq mots, les lignes de rupture qui sont à mettre à son crédit : « Je veux réhabiliter le travail, l’autorité, la morale, le respect, le mérite ». De ce point de vue, la promesse de tenir ses promesses sonne comme une inquiétante mise au pas pour une gauche en pleine confusion idéologique. C’est elle, d’abord, qui risque de « ne pas être déçue ».
Le Parti socialiste doit faire profil bas en confessant « l’immaturité de la gauche » française… et ses leaders s’en renvoient la responsabilité. Seuls leurs cris d’orfraie s’étaient faits unanimes quand Mai 1968, à la genèse des dogmes libertaires, avait été analysé avec sévérité par le candidat UMP comme la cause de tous les maux, péché originel de la crise identitaire et morale subie par la société française.
Un quinquagénaire pugnace, bien décidé à ne plus gérer la France comme un bon papa gâteau cédant au moindre caprice catégoriel, a donc réussi à tordre le cou, dans un même mouvement, au socialisme et au chiraquisme. Mais Nicolas Sarkozy est-il en mesure d’encourager la stabilité familiale source de la véritable prospérité et le respect de la vie, condition du vrai bonheur ?
C’est bien maintenant que tout va se jouer pour ce qui est essentiel. Or, on l’a entendu proclamer dans l’un de ses derniers clips de campagne : « Le droit à l’avortement, cela fait partie aussi de notre identité »… Et que ce soit le sympathique Johnny Halliday, au sortir du Fouquet’s, qui donne en exemple l’amour « de Nicolas » pour sa famille n’est pas pour rassurer sur les repères qu’on entend promouvoir.
Deux signes devront donc être analysés. Le futur gouvernement fera-t-il une place à Christine Boutin alors que Roselyne Bachelot fut peut-être plus souvent vue aux côtés de Nicolas Sarkozy dernièrement ? La présidente du Forum des Républicains Sociaux offre pourtant comme atout en vue des législatives les 8 000 adhérents de son parti, associé à l’UMP.
Second signe : comment Nicolas Sarkozy va-t-il gérer la question homosexuelle après avoir proposé un Contrat d’union civile, en mairie, entraînant « une égalité fiscale, sociale, patrimoniale totale avec les couples mariés, qui ira, par exemple jusqu’au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel » ? L’union homosexuelle à la hauteur du mariage ? Une telle promesse menace.
Tugdual DERVILLE