Benoît XVI, lors de sa visite au Brésil, est resté fidèle à lui-même. Sobriété dans les gestes, rigueur dans le discours, et surtout forte concentration de la pensée sur les fondamentaux du christianisme. Les commentateurs sont évidemment tentés de souligner le paradoxe d’une telle attitude face à l’effervescence évangéliste, celle qui attire vers les sectes tout un petit peuple latino-américain… Ce n’est pas seulement question de caractère : si la démagogie n’est pas le fort de Joseph Ratzinger, ce n’est pas pour des convenances psychologiques que le Pape n’entend pas faire de la surenchère avec les évangélistes. C’est qu’il est intimement persuadé que la puissance de l’Evangile ne saurait être que desservie par des procédés qui relèvent plus de la propagande publicitaire que de l’annonce d’un salut en esprit et en vérité.
Entendons-nous. Il y a depuis les origines de l’Eglise, diversité des charismes. On le sait depuis l’adresse de saint Paul aux chrétiens de Corinthe, et le Renouveau charismatique au sein du catholicisme s’est signalé par le retour à des pratiques anciennes dont la légitimité vient de leur inspiration pneumatique. Les critères d’authenticité des charismes se rapportent à un message qui ne saurait être détourné de la foi, de l’espérance et de la charité. Que les catholiques veuillent s’adresser de façon plus proche, plus chaleureuse, plus démonstrative à un peuple en proie aux sollicitations de la vague évangéliste, rien que de plus justifié. Mais à condition que le fond ne soit pas trahi par la forme, la figure du Christ par des procédés et des idéologies. C’est ce qu’a dit et répété le Pape qui n’exclut aucune audace apostolique et qui n’entend défendre aucune attitude impliquant le repli par rapport à la vie sociale et aux exigences de la solidarité.
L’expérience de l’ancien responsable de la Congrégation pour la doctrine de la foi n’est pas pour rien dans les convictions de Benoît XVI sur le devenir chrétien du continent sud-américain. On n’a pas oublié les deux instructions sur la théologie de la libération, qui furent pourtant très discutées sur le moment, mais dont la lucidité apparaît à la lumière de ce qui s’est passé depuis. Le marxisme comme idéologie s’est effondré et l’obsolescence des discours qui prétendaient adopter les cadres du matérialisme historique en les accordant aux idéaux chrétiens, est accablante. On peut même se demander si le succès des sectes pentecôtistes n’est pas imputable à cette pastorale qui avait trop délaissé le spirituel. Cela ne veut pas dire que le souci des plus pauvres ne détermine pas impérativement un engagement qui mobilise les chrétiens. La visite de Benoît XVI à la ferme de l’Espérance où sont accueillis des jeunes en désintoxication a été emblématique de ce que devrait être la sollicitude d’une Eglise dont la foi christologique devrait transformer la face du monde.
Gérard LECLERC