A quelques jours du premier tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy réserve aux lecteurs du mensuel Têtu du mois d’avril sa déclaration la plus précise sur la question homosexuelle. Certes, il confirme son opposition au mariage et à l’adoption homosexuels promis par Ségolène Royal. Mais le reste de l’entretien caresse nettement le lobby gay (ses revendications et ses dogmes) dans le sens du poil.
Florilège : «L’amour hétérosexuel n’est pas supérieur à l’amour homosexuel. (…) L’amour a besoin d’une reconnaissance sociale. (…) L’amour homosexuel doit être reconnu. (…) Je suis donc pour une union civile qui ne passe pas par le greffe du tribunal d’instance, mais par la mairie. (…) Je vais ajouter ceci que je n’ai jamais dit encore : cette union civile, à la mairie, entraînera une égalité fiscale, sociale, patrimoniale totale avec les couples mariés, qui ira, par exemple, jusqu’au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel.
(…) Il y a beaucoup de souffrance, pas du fait d’être homosexuel, mais à cause du regard des autres et de l’incompréhension. (…) L’union civile est dans le projet de mon parti. (…) Alors comment tel ou tel [député] qui a l’investiture de mon parti, qui a voté le projet de mon parti, adopté à 97,5%, pourrait dire qu’il ne l’appliquera pas ? (…) La majorité, je l’aurai.»
Dans le même entretien, Nicolas Sarkozy regrette son vote contre le Pacs («On s’est trompé»), revendique d’avoir favorisé l’évolution de l’UMP sur cette question, condamne sans appel le député Christian Vanneste, jugé pour avoir estimé l’homosexualité inférieure à l’hétérosexualité, et propose, en matière d’homoparentalité, un «statut de beau-parent» pour «ouvrir les choses»…
Une «ouverture» qui va dans le sens de la stratégie de GayLib, l’influente entité homosexuelle de l’UMP, qui a vanté sa «politique des petits-pas» comme la plus à même de servir la cause homosexuelle.
En ce qui concerne «la lutte contre l’homophobie» le candidat UMP se félicite de l’avoir inclus en 2002 à la création de la Halde (Haute autorité de lutte contre la discrimination et pour l’égalité des droits). Sur ce sujet, il propose deux façons d’agir : «des sanctions immédiates et très sévères» («La dérision, le mépris à l’égard de l’homosexualité, c’est intolérable») et une politique éducative allant dans le même sens : «Tout ce qui peut être fait à l’école pour expliquer que la différence est une richesse et pas un risque, je le favoriserai.» Endoctrinement des écoliers en perspective ?
On notera au passage que l’homophobie est entendue dans son acception la plus large, comme la contestation de l’homosexualité en tant que telle, et pas seulement la discrimination contre des personnes homosexuelles.
Faut-il prendre de telles déclarations au pied de la lettre ?
Certains candidats utilisent les discours multiples pour rassurer, séduire et conquérir des niches électorales. Et comment l’ancien ministre des cultes pourrait-il mettre à exécution la menace d’appliquer aux adversaires du lobby gay la «tolérance zéro» qu’il prône pour les délinquants ? Ce mélange détonnant entre le sécuritaire et le libertaire aboutirait à une police de la pensée. Les chrétiens en seraient les premières victimes, et des évêques encourraient la correctionnelle, sauf à se taire sur le sujet de société emblématique du moment, où à épouser l’ode sarkozienne à l’amour gay.
Pourtant Nicolas Sarkozy reconnaît dans son interview à l’hebdomadaire chrétien La Vie, du 5 avril, que «les religions ont leur mot à dire dans les grands débats de société» et ajoute même : «Parfois je regrette qu’elles ne le fassent pas assez».
Comment concilier les deux déclarations et autoriser la parole publique aux religions dont il estime d’ailleurs qu’elles «croient et transmettent le respect absolu de la vie» et «l’importance de l’amour et la nécessité d’une morale» ?
Le double-langage tente tout candidat confronté à des aspirations contradictoires, histoire de repousser l’heure de vérité après l’échéance du vote.
Quoi qu’il en soit, plus que la question encore «ouverte» de l’homoparentalité, c’est celle, déjà verrouillée, de l’homosexualité tout court qui menacerait la liberté d’expression. Et pas seulement religieuse.
Le ralliement du candidat UMP à une bonne part des lobbies homosexuels n’est pas près d’éteindre leur inextinguible soif de reconnaissance, à en juger par la nouvelle campagne d’Act Up-Paris affichant, sur fond de tête de mort : « Nicolas Sarkozy 2007-2012 : nous n’y survivrons pas ».
Quant aux courageux critères de vote proposés par l’Eglise (cf. pages 10 et 11), ils paraissent en voie de marginalisation, la dérive sécuritaire-libertaire de cette campagne n’étant pas l’apanage de Nicolas Sarkozy.
Tugdual DERVILLE