3057-Trisomie 21 : double exclusion - France Catholique
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3057-Trisomie 21 : double exclusion

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Il naît plus de bébés trisomiques dans les classes défavorisées. Les chercheurs qui révèlent cette « disparité  » en déduisent que les progrès de la technologie médicale amplifient les inégalités sociales. Mais qu’en diraient les personnes trisomiques ?…

En France, il vaut mieux, en cas de trisomie, avoir été conçu dans une
famille africaine que d’origine française, pas seulement à cause d’un
manque d’information : une fois la trisomie dépistée, le fœtus
d’origine africaine a encore quatre fois plus de chances d’être
épargné par sa mère. C’est ce que l’Inserm vient de révéler en
analysant 1 433 cas de trisomie 21.

D’une part les femmes des catégories socioprofessionnelles les plus élevées sont plus nombreuses à accéder au diagnostic prénatal de la trisomie 21 (84 % contre 57 % pour les femmes sans emploi). D’autre part, alors qu’en moyenne 94,5 % des diagnostics de trisomie 21 se traduisent par un avortement, ce taux est plus faible dans des catégories « défavorisées ». De 89 % pour les femmes sans emploi, il descend à 79 % pour certaines femmes d’origine africaine.

Une différence notable, même si tous ces pourcentages sont élevés.

Comment interpréter ces résultats ? S’il n’y avait que des différences d’accès au diagnostic, on pourrait simplement conclure que
les femmes défavorisées pâtissent d’une moins bonne surveillance de leur grossesse. C’est d’ailleurs l’hypothèse principalement retenue par les chercheurs qui préconisent de renforcer « l’égalité d’accès au diagnostic prénatal ». Jean-Marie Le Méné s’insurge contre cette façon de présenter les choses : «On a pu lire que les pauvres `feraient’ plus d’enfants trisomiques comme ils `feraient’plus de cancer, d’infarctus ou de maladie de peau. » Pour le président de la Fondation Jérôme Lejeune, « il est déjà choquant d’assimiler la naissance d’un enfant, même handicapé, à la survenance d’une maladie. C’est ensuite sous-entendre que les pauvres s’élèveront socialement quand ils auront autant recours à l’avortement que les riches.»

Comment expliquer que 21 % des femmes d’origine africaine auxquelles les médecins ont révélé la trisomie de leur enfant décident de poursuivre la grossesse, contre 5,5 % pour l’ensemble de l’échantillon ? Cet écart est sobrement attribué par les chercheurs aux « préférences et [aux] valeurs culturelles des couples ».

Refus de la toute-puissance parentale ? Solidarité familiale ? Respect de la vie malgré ses imprévus ? Des femmes d’origine africaine accueillent en tout cas plus naturellement leur bébé handicapé.

Déjà, en 1994, une enquête menée par l’Inserm dans les Bouches-du-Rhône avait surpris : on découvrait que la diffusion du
dépistage prénatal de la trisomie 21 s’était accompagnée d’un accroissement du taux d’abandon des enfants trisomiques à la naissance (évolution exponentielle à l’époque, les taux d’abandons à la naissance passant, sur la zone étudiée, de 0 % en 1984 à 40 % en 1990 !). Le professeur Ségolène Aymé, de l’Inserm, avait expliqué que les enfants abandonnés étaient le plus souvent issus d’une famille de niveau social élevé. Elle ajoutait : « Ce sont les parents français qui abandonnent et non pas les étrangers. Il s’agit d’un phénomène culturel. » (Impact médecin, 6 juin 1994)

Enseignement saisissant de ces études : plus on est opulent plus on a de difficulté à ouvrir son cœur à un enfant différent, eut-êtreà percevoir la fécondité de la faiblesse. En marge d’un débat sur le Téléthon, un haut responsable de l’Inserm nous confiait récemment son malaise devant « l’avortement des trisomiques érigé en politique de santé publique », un scandale bien plus évident à ses yeux que le développement marginal du diagnostic préimplantatoire.

Pourquoi cette quasi-éradication alors que les personnes trisomiques ne demandent qu’à vivre et être heureuse ? Mais peut-on blâmer des parents éprouvés par la découverte du handicap dans une société qu’ils savent eugéniste et où certains iraient jusqu’à leur reprocher de ne pas avorter ?

Le Comité consultatif national d’éthique a beau affirmer qu’on doit « rendre réellement envisageable une décision parentale de poursuite de la grossesse malgré le risque qu’elle aboutisse à la naissance d’un enfant plus ou moins handicapé » (avis n°68), l’Inserm reconnaît que le dépistage prénatal est, en France, devenu « une norme ».

De nombreux Français conçoivent l’avortement improprement dénommé « médical » comme un devoir moral. Ont-ils seulement rencontré ceux qu’ils excluent ? N’en ignorent-ils pas la valeur ? Que quelques familles issues de l’immigration résistent – sur ce point – à notre culture évoque l’attitude qui réjouit le Christ quand il s’écrie : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux humbles et aux petits » (Lc 10).

Tugdual Derville