4 – En finir avec l’humiliation
Joffre ne marque pas de dépit. Ce fut avec Pétain et surtout avec Foch que Castelnau ne s’entendit jamais. Peut-être doit-on en inférer que, dans la société militaire, Castelnau était libéral. C’est ce que prétend Arthur Conte (dans son livre sur Verdun) qui remarque qu’en 1915, le général de Castelnau est réputé pour « ne se soucier ni de la confession ni des opinions politiques des officiers appelés auprès de lui ». Et, de préciser : « Il est impossible de ne pas noter dans son entourage immédiat, que son chef de cabinet, le commandant Camus, a des attaches avec les francs-maçons, tandis que le capitaine de Barry, un pur huguenot, y fait excellent attelage avec le révérend père de Castelnau, jésuite et secrétaire de son oncle, et comme on dit non sans une pointe d’ironie, son ‘chapelain’ » (p. 127) UN « ENGAGÉ » À HABIT MYTHIQUE À sa sortie de la Grande Guerre, le Général de Castelnau, se reconvertit en combattant civil. Le 16 novembre’1919, il fut élu député de Saint-Affrique à. la « Chambre Bleues Horizon ». Il y fut président de la commission de l’armée. Il prit aussi la plume dans L’Echo de Paris. À la Chambre comme dans ses articles, il se fit le champion d’une politique de fermeté envers l’Allemagne. Face à « l’âme belliqueuse » de l’Allemagne », il préconisait la sécurité par la force. La moindre concession, lui paraissait lourde de dangers. « Oignez vilain, il vous poindra » titrait-il (Echo de Paris 1er avril 1924). Sur cette lancée, il devint Président de la Ligue des Patriotes, succédant à Déroulède (23 novembre 1924). Du coup, aux élections de 1924, il fut une cible privilégiée. Au point que sa défaite électorale fut présentée comme un symbole de la victoire de la politique étrangère du Cartel, fondée sur « l’arbitrage » : « Comment nous avons battu le général de Castelnau. Si nous avons réussi à empêcher l’élection du général de Castelnau, c’est parce que nous avons fait porter l’effort principal de notre campagne électorale sur la politique extérieure. Certains nous avaient dit : la Société des Nations n’intéresse pas les paysans… (nous avons dit) le premier article de notre programme c’est de faire la paix… Si l’Aveyron élit le général de Castelnau, cette élection caractérisera les élections françaises aux yeux de tous ceux qui auront intérêt à nuire à la France en la présentant comme impérialiste et songeant à la guerre. « On pourra lire des articles de Castelnau député et l’on cherchera à exciter le monde contre la France dont on dira qu’elle veut la guerre puisqu’elle élit des généraux (Or) à travers le monde… la France qu’ils admirent, c’est la France du XVIIIe siècle et de la Révolution… » Et Émile Borel, professeur au Collège de France, de conclure ce bulletin de victoire (in Le Quotidien 14 septembre 1924) par ces simples (!) mots : « Par ce scrutin, la France a véritablement déclaré la paix au monde. » Diable ! « Notre » Général était plus qu’un homme ! Un mythe ! Le mythe Castelnau ? Il exista en effet. On doit d’autant plus l’évoquer qu’il joua un grand rôle dans l’impact de l’action du Général dans les années 1920 et 1930 et dans les embarras des évêques français face à certaines initiatives ou prises de position de celui-ci. Car le mythe « noir » construit par Émile Borel ne fut que très marginal. Plutôt, courut dans l’opinion – et surtout dans l’opinion catholique, une sorte de légende dorée à trois composantes. Castelneau ? Ce fut, en première ligne, le vainqueur du Grand Couronné, cette bataille de septembre 1914 qui empêcha les Allemandes de conquérir Nancy. En ceci, le mythe correspond-il à la réalité ? À travers les diverses versions des relations sur cette « bataille des frontières », il semble que tout le monde ait été pris de panique en découvrant l’imprévu : la puissance de feu de l’armée allemande. Il semble, aussi, qu’il y eut une querelle Foch/de Castelnau – Foch n’ayant pas suivi ou reçu les ordres de Castelnau. II est certain que Joffre s’opposait à ce « (qu’on accrédite officiellement la fable que de Castelnau a sauvé Nancy » (Joffre. Journal de marche p. 126). Querelles de chefs dans lesquelles il est difficile de voir clair. L’important fut que pour l’opinion de Castelnau avait sauvé Nancy. Castelnau ? Ce fut, aussi et peut-être surtout, le général qui a « donné trois de ses fils à la France. Puisque, effectivernent, trois des fils du Général furent tués au front. Voici un texte suggestif publié dans le tome 1er du gros ouvrage populaire La France héroïque et ses alliés (Larousse) : « Nous devons donc une infinie reconnaissance aux soldats et aux chefs oui sauvèrent le Grand Couronné ; au général de Castelnau surtout, qui eut à diriger cette défensive […] « Quelques jours après, le général de Castelnau était nommé grand-officier de la Légion d’honneur et en même temps qu’à ses admirables services militaires, l’arrêté de promotion rendait hommage à la vaillance de l’homme, élevé par son patriotisme, par la conscience de ses devoirs, au-dessus même des plus affreuses douleurs de l’amour paternel : car ce commandant de notre deuxième armée avait eu deux fils tués à l’ennemi et un troisième blessé, et il n’en avait pas moins continué, sans faiblir un instant, à donner ses ordres. « L’anecdote est connue, mais ce n’est pas une raison pour la négliger ici : on ne se fatigue pas du sublime authentique ! Le 8 septembre, le fils aîné du Général, le lieutenant Gérald de Castelnau, est transporté mourant auprès de son père, qui travaille avec son état-major. On s’empresse autour du jeune homme ; soins inutiles ; à peine a-t-il succombé, le général prononce, d’une voix un peu tremblante peut-être, mais cependant claire et assurée : « Va, mon fils. Tu as la plus belle mort que l’on puisse souhaiter. Je te jure que nos armées te vengeront en vengeant toutes les familles françaises. » « Puis, ayant pieusement couvert de son mouchoir la face sur laquelle il vient de poser le dernier baiser, il se remet au travail. « - Messieurs continuons… » avait-il dit quelques jours plus tôt, devant son état-major, en apprenant que son fils Xavier venait d’être frappé mortellement. « De … Lire la suite de 4 – En finir avec l’humiliation
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