« Tuez-les, où que vous les rencontriez. » C’est par cette exhortation au génocide que le groupe terroriste ASJW, affilié à l’État islamique, a lancé l’an dernier sa campagne contre les chrétiens au Mozambique – un pays de cette Afrique subsaharienne devenue, selon l’ONG Portes Ouvertes, « l’épicentre de la violence » antichrétienne. La raison en est simple : les organisations djihadistes faisant allégeance à Daech et à Al-Qaïda y prolifèrent depuis plusieurs années. C’est le cas notamment au Congo, au Mali, au Tchad, au Burkina Faso, au Niger… Vingt-huit pays de la zone subsaharienne sont gangrenés par la haine antichrétienne : deux fois plus qu’en 2015. Plus de 90 % des chrétiens assassinés dans le monde le sont désormais dans cette région !
« Le bébé n’a pas été épargné »
Chaque année depuis dix ans, c’est au Nigeria – 237 millions d’habitants – que l’on tue le plus de chrétiens en raison de leur foi. Portes Ouvertes y a dénombré plus de 35 000 morts depuis 2015 – encore ne s’agit-il que des assassinats connus. En 2023, plus de 300 chrétiens ont été massacrés à Noël par des miliciens peuls qui ont incendié pas moins de 20 villages dans l’État du Plateau, au centre du pays. Le pape François s’en était ému lors de l’Angélus du 31 décembre. Hélas sans effet : de nouvelles attaques, d’une violence inouïe, ont eu lieu à Pâques l’an dernier. « Dix personnes ont été tuées le lundi de Pâques, et une femme enceinte a eu le ventre ouvert. Le bébé n’a pas été épargné, confiait le Père Andrew Dewan, du diocèse de Pankshin, à l’AED (Aide à l’Église en détresse). Au total, cinq villages et districts ont été attaqués, 29 personnes ont été tuées, dont un pasteur protestant, et deux ont été blessées. Une église de Kopnanle a été incendiée. »
C’est cette sombre comptabilité que tient Portes Ouvertes dans son Index mondial de persécution des chrétiens, rendu public le 15 janvier. Mais cette organisation non gouvernementale – fondée en 1955 par le missionnaire évangélique néerlandais Anne van der Bijl, connu sous le nom de « Frère André », pour venir en aide aux chrétiens d’Union soviétique – ne s’arrête pas au décompte des victimes physiques : elle distingue en effet, dans son rapport, la « persécution marteau » – meurtres, viols, enlèvements, attaques d’églises… – de la « persécution étau » – l’oppression, souvent moins « spectaculaire » mais durable, faite de discriminations, de déni des droits, d’exclusions…
C’est en raison de cette oppression que la Corée du Nord occupe la première place de ce triste classement depuis 2002 – ne la cédant à l’Afghanistan qu’en 2022, après le retour des talibans au pouvoir. « Dans un régime fondé sur le culte de la personnalité, les chrétiens n’ont pas le droit d’exister en Corée du Nord, constate l’ONG. La loi contre la “pensée réactionnaire” fait de la Bible un livre interdit. » On estime cependant à près de 400 000 le nombre des chrétiens nord-coréens vivant leur foi dans le secret. « Ceux qui sont découverts sont exécutés sur le champ ou envoyés en camp de prisonniers politiques avec leur famille, où ils subissent travaux forcés et tortures. »
En Asie, Portes Ouvertes s’inquiète aussi de la dégradation de la situation des chrétiens en Chine et en Inde – près de 170 millions. En Inde, souvent présentée comme « la plus grande démocratie du monde », le BJP – « parti indien du peuple » – considère le christianisme et l’islam comme des religions étrangères mettant en danger l’unité du pays. Depuis son arrivée au pouvoir, les exactions contre les chrétiens se sont multipliées, les cérémonies religieuses sont fréquemment attaquées par des foules menées par des extrémistes hindouistes. Les lois interdisant la conversion, en vigueur dans 11 États indiens, s’y appliquent avec une extrême sévérité : ces lois discriminatoires et souvent floues servent de fondements juridiques à la persécution des minorités religieuses. Près de 2 200 chrétiens y sont emprisonnés.
En Chine, le parti communiste resserre toujours plus son contrôle sur les églises catholique et protestantes, dans le but de « siniser » les religions. Auparavant tolérées, les grandes « églises de maison », qui rassemblaient des centaines, voire des milliers de chrétiens, sont progressivement fermées, obligeant les croyants à se réunir secrètement.
« L’État s’applique à faire suffoquer l’Église »
D’autres signaux d’alerte s’allument dans des zones jusque-là préservées, notamment en Amérique latine où la menace des cartels et des mesures dictatoriales pèsent sur les chrétiens, pourtant majoritaires. C’est le cas notamment au Nicaragua où « l’appareil étatique s’applique à faire suffoquer l’Église pour la faire taire » depuis les manifestations de 2018.
Violences djihadistes, oppression d’États, guerres civiles – comme au Myanmar ou au Yémen, qui occupe la troisième place du classement… On ne s’étonnera pas que le nombre de chrétiens persécutés ne cesse d’augmenter : « Plus de 380 millions d’entre eux sont exposés à des persécutions et des discriminations fortes en raison de leur foi. » Soit un chrétien sur sept dans le monde…
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Vous avez dit « violence catholique » ?
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Sur Charlie Hebdo vu de Niamey